TECHNIQUE DE LA NAGE AVEC PALMES
C’est Florence qui a fait passer ces textes, rares sur les techniques de nage en bi-palmes. Florence est championne de nage en monopalmes, et depuis peu patronne de la marque GoNSea qui, c’est unique, fabrique ici à Vitrolles des palmes carbone dont celles de plusieurs champions ! Mini scoop, la semaine prochaine, un nouvel article sera dispo sur son site : des Jammers, pour bien fuseler les fesses et les cuisses, et peut-être mieux glisser dans l’onde ? Voici quelques photos de Florence dans ses ateliers.
Pour les textes qui suivent, ils datent un peu, de 2009. Ils sont très techniques et bien instructifs. Mais bémols, ils semblent avoir été rédigés par des nageurs de compétitions en piscine, à l’attention de nageurs qui possèdent déjà une très bonne technique de crawl sans palmes, et qui écrivent eux-mêmes « Les divergences de vue sont nombreuses, l’essentiel c’est d’adapter le style selon les qualités intrinsèques du nageur. »
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La technique de la nage en bi-palmes par F. Castel
Cet article est une reprise des textes de Jean Michel OYHENART et Claude SCHMEISER dans le « Guide de l’entraîneur en nage avec palmes » avec quelques apports nouveaux.
Cette technique est dérivée du crawl. La forme globale du mouvement restant la même avec des variantes importantes dues à l’apport du tuba et des palmes, ce qui conférera son originalité à la discipline. La proportion de la contribution est inversée en palmes par rapport au crawl avec à peu prés 70 % pour les jambes et 30% pour les bras.
LE TRAVAIL DES BRAS
Le passage aérien du bras en nage avec palmes est différent que celui pratiqué en natation, la main passera plus loin de l’axe du corps, comme un balancier, pour garder les épaules à plat sur l’eau et relâcher le biceps. Avec, toutefois, une différence notable dans la manière de rentrer la main dans l’eau. En nage avec palmes on essaye de rentrer la main dans l’eau plus tôt et d’effectuer l’allongement final du bras avec la main glissant sous la surface de l’eau pour adopter une attitude filiforme réduisant le maître couple. La prise d’appui se fait très près de l’axe médian du corps. L’entrée dans l’eau de la main se fait sans à-coups, la main glisse juste au-dessous de la surface et va vers l’avant en allongeant le bras. La phase d’appui est plus longue qu’en crawl. Cette technique améliore la portance et l’équilibre du haut du corps.
LE PASSAGE AQUATIQUE DU BRAS
Similaire à celui pratiqué en natation nous allons seulement décrire les différences dues à la synchronisation et au style avec les palmes. Le passage du bras sous l’eau est généralement moins centré sous l’axe du corps mais se produit d’une manière plus latérale suivant une ligne se trouvant environ, entre la ligne des épaules et l’axe médian du corps. Le trajet de la main sous l’eau est plus direct et plus profond. Le bras a un passage plus tendu l’angle formé au niveau du coude par le bras et l’avant bras, est plus ouvert (environ 120° à 130°).
Les raisons d’un tel passage sont nécessitées par le fait qu’en nage avec palmes les bras sont une source de propulsion supplémentaire à celle principale des jambes. De ce fait, il faut s’efforcer que le travail des bras ne provoque pas une gêne dans l’exécution du battement. De plus la vitesse de nage étant plus élevée, il faut impérativement que les bras sous l’eau effectuent leur traction rapidement sinon la
surface des membres présentés face à l’avancement sera une surface supplémentaire au maître couple ; de plus, la main devra avoir une vitesse supérieure à la vitesse du corps en déplacement pour avoir une action propulsive.
Voir en illustrations le dessin de Didier PHILIPPE du livre « Nage avec palme CASTEL »
Le passage plus profond s’explique par le fait que près du corps l’eau contournant la forme du buste créée une zone de turbulences et la main, a du mal, dans cette zone à trouver un appui solide pour la traction. On pourrait également souligner qu’un passage de bras plus profond a aussi l’avantage de ne pas pousser l’eau directement sous les jambes ce qui provoque des remous et diminuerait l’efficacité du battement. La traction du bras, en nage avec palmes, est rapide et demande une forte puissance. Le mouvement doit s’accélérer progressivement. Une attaque du mouvement trop brutale est nuisible car l’eau ayant relativement une faible viscosité, une grande mobilité de ses particules s’écarte et ne permet pas de prendre un appui favorable. Au début de l’exécution du travail moteur, le bras ne possède aucun élan du fait de l’immobilisation prolongée de celui-ci en appui devant le corps. La fin de la poussée est généralement escamotée dans les courses de 100 et 200 m, mais il faut normalement finir cette poussée avec le pouce au niveau de la cuisse en accélérant la main en sortie de l’eau.
LA COORDINATION DES BRAS
La coordination des bras se fait uniquement en « rattrapé ». Ce rattrapé est plus ou moins prononcé selon les sujets. Le mode de synchronisation employé permet de profiter, au maximum, de la propulsion due au travail des jambes. Nous verrons après l’étude du battement avec les palmes le rapport des bras et des jambes. Chaque nageur, avec palmes, possède plus ou moins une coordination en « rattrapé », nous distinguons, quand même, le rattrapé simple et le « rattrapé total.
Le « rattrapé simple » se produit lorsque le bras effectue la fin de son retour, l’autre, commençant sa traction. Ce qui différencie les différents rattrapés est l’appui du bras plus ou moins retardé. Un rattrapé est peu prononcé lorsque le bras en appui commence son action motrice quand l’autre bras a déjà effectué la moitié de son retour. Le « rattrapé » est « total » quand le bras en appui retarde son action motrice et la commence seulement après un temps
d’arrêt des deux bras simultanés en appui devant le corps. Pendant ce temps d’appui il se produit un battement de jambes.
Cette coordination diminue le nombre de mouvements de bras, par contre le rythme des battements par cycle de bras se trouve augmenté
LE TRAVAIL DES JAMBES
Le travail des jambes est entièrement musculaire et les segments des membres inférieurs ne procurent aucune propulsion. La propulsion est uniquement créée par les palmes, les jambes ne servant qu’à les actionner.
– L’analyse hydrodynamique du travail des jambes
Le battement en surface possède un temps fort descendant. La phase ascendante est moins active que la phase descendante. Cela vient du fait que la résistance créée par la palme juste sous la surface de l’eau est moins grande : l’eau ayant une mobilité de ses particules et une différence de densité importante par rapport à l’air, celle-ci se dirige facilement vers le haut dans le milieu moins dense. Par contre, dans les épreuves en immersion le battement possède une double action dont les deux phases sont presque de même importance.
Dans la forme globale, le battement de jambes part du bassin, la flexion induite des genoux est moins importante qu’en crawl. Le fait d’avoir le pied en hyper extension est un principe important. Pour bien placer les surfaces de propulsion et pour que la transmission des forces se fasse correctement, il faut que la jonction jambe-pied soit solide. Contrairement au crawl où le nageur peut se permettre un relâchement du pied, en nage avec palmes la perte de tonus à ce niveau provoque une baisse de rendement immédiat (Didier PHILIPPE 1990).
La phase descendante est musculairement plus facile donc sera quand même le temps prédominant du battement. Les figures 1 à 5 schématisent le travail des palmes sous l’eau.
Voir Fig. 1 La jambe gauche vient de terminer son mouvement descendant, la palme est en arc de cercle. C’est à ce moment que la flexion de la voilure est à son maximum et que la voilure va pouvoir restituer l’énergie emmagasinée. La jambe droite termine son ascension, le pied effleurant la surface de l’eau. La flexion du genou est le mouvement final de la remontée de la jambe, afin de préparer la descente.
Fig. 2 La jambe gauche remonte, la palme forme un « S » à l’envers n’ayant pas terminée son redressement complet. Il s’établit un retard entre l’action de la jambe et la réaction de redressement de la voilure. Une grande partie de la voilure de la palme est face à l’avancement et cette position doit être le plus vite possible dépassée. Le redressement de la voilure est également facilité par l’action des filets d’eau contre celle-ci. La jambe droite a débuté sa phase
descendante, la voilure termine son redressement ; celui-ci s’effectue rapidement car la fin du mouvement s’exécute hors de l’eau et le temps de réponse de la palme est facilité du fait de la limite eau-air. Si le bout de la voilure sort trop hors de l’eau, il y a une forte perte de rendement.
Fig. 3 – Les deux jambes vont se croiser, l’appui formé par les deux palmes est important. La phase descendante de la jambe droite va aller en s’accélérant.
Fig. 4 – La jambe gauche continue à remonter, le genou commence à se fléchir, tandis que l’autre jambe s’allonge. C’est le moment essentiel de la propulsion des jambes. Lors du croisement des deux jambes nous avons une masse d’eau qui est « coincée », du fait des couches limites de turbulences, entre les deux pieds et les deux voilures. Cette masse d’eau sera d’autant plus « coincée » que le croissement se fera en accélération. Ce coincement de l’eau provoquera, en réaction, une action propulsive efficace vers l’avant.
Fig. 5 – Les deux jambes terminent leurs phases, les deux actions vont s’inverser. La phase descendante se termine par l’extension complète de la jambe comme un shoot pour un footballeur.
Comme en natation, les actions des jambes produisent des réactions sur les hanches. Ce phénomène de roulis sur les hanches s’accentue suivant la dureté des palmes, et également, en fin de course quand les nageurs sont fatigués. Un problème important exigé par les palmes et contrairement à la natation, est que les pieds ne doivent pas être tournés avec les pointes de pied vers l’intérieur mais rester parallèles. Cela explique par le fait que les pieds tournés vers l’intérieur provoqueraient un chevauchement des palmes.
Le battement en immersion est similaire à celui pratiqué en surface; c’est seulement la position du corps qui diffère et la phase ascendante est plus importante. En surface la sortie de la jambe de l’eau limite la phase de remontée de la palme.
LA RESPIRATION
La respiration s’effectue essentiellement avec un « tuba ». Ce moyen facilite l’exécution de la respiration. Le contrôle respiratoire est important pour assurer le fonctionnement du système aérobie mais aussi pour assurer une position horizontale adéquate. Le tuba permet au corps de conserver cet équilibre, et l’action motrice des bras et, surtout, des jambes se trouve régularisée.
L’inspiration est buccale, rapide, et commence en fin de poussée pour se terminer au milieu du retour aérien. L’inspiration doit avoir lieu comme dans toutes les nages lorsque les muscles péri-thoraciques sont en relâchement. Cela correspond au moment où un des bras n’a pas encore commencé sa traction L’expiration est continue et progressive, elle s’effectue par la bouche et le nez. Elle commence à la fin du retour aérien (Anne Gourmoux 1986).
Pendant les coulées de départ et de virage, le port du tuba nécessite un blocage respiratoire. L’expiration ayant lieu à la fin de la coulée est rapide et puissante permet de dégager l’eau du tuba servant à respirer.
LE RYTHME DE LA RESPIRATION
Le rythme du mouvement de bras impose soit une inspiration tous les cycles de bras soit une inspiration à chaque fois que l’un bras effectue son retour aérien ; c’est-à-dire deux fois par cycle de bras. C’est cette dernière pratique qui est généralement employée. Le nageur réglant facilement sa respiration avec l’expérience. Le temps d’inspiration est directement proportionnel à la vitesse de nage. Les palmeurs experts inspirent moins longtemps à haute et basse vitesse. De plus, les temps d’expiration et les temps d’apnée sont similaires à la vitesse de 100 m ou de 1500 m pour les experts. Lorsque les nageurs débutants tentent d’augmenter leur fréquence, ils éprouvent des difficultés à synchroniser la phase de propulsion et la phase de relaxation. Leur cage thoracique se contracte provoquant une respiration superficielle non efficace réduisant l’apport en oxygène nécessaire à l’effort (Cardelli et al. 1999) ce qui provoque une diminution graduelle de la vitesse.
LA SYNCHRONISATION DE LA NAGE
Généralement, la nage est synchronisée par un nombre de 6 battements par cycle de bras. Lorsque le rattrapé de bras est total le nageur effectue 8 battements par cycle de bras. Cette synchronisation de 8 battements nécessite un battement de faible amplitude.
A la différence de la synchronisation à 6 battements, un battement supplémentaire se réalise à chaque fois que les deux bras sont en appui devant le corps. Par cycle de bras deux appuis sont ainsi réalisés et de ce fait 2 battements supplémentaires ont lieu.
Beaucoup de nageurs réalisent de meilleurs temps en battement avec une planche que lorsqu’ils nagent avec les bras et les jambes. Cela prouve la grande importance du travail des jambes, mais ce phénomène est du, quand même, à une mauvaise synchronisation de la nage et un mouvement de bras qui s’adapte mal avec l’exécution d’un travail de jambes régulier. Toute la réalisation de la nage est fonction du but principal qui est que le battement doit s’effectuer le plus possible avec des temps réguliers en amplitude et en densité. La position du corps doit rester le plus à plat avec un roulis le plus faible possible.
Comme en natation pour les courses de 100 et 200 m, la position du corps est plus haute sur l’eau, le déjaugeage étant du à la vitesse de nage.
En natation, l’efficacité du battement nécessite que les hanches soient légèrement plus immergées; en nage avec palmes cette position n’est pas rendue indispensable. Ce sont uniquement les palmes qui servent à la propulsion, et de ce fait, les hanches peuvent être dans une position plus naturelle. Cette position offre l’avantage d’être plus adaptée pour vaincre la résistance de l’eau.
Le mouvement de bras aussi bien pendant son parcourt aérien que son trajet moteur doit s’exécuter de façon qu’il ne provoque pas un roulis du tronc. Le bras, dans le trajet aérien, ne doit pas solliciter de trop l’articulation de l’épaule, cela entraîne obligatoirement un pivotement du corps et le bras en appui devant le corps aura tendance à s’enfoncer.
L’équilibre du corps se trouve ainsi perturbé. Le haut du corps doit rester le plus horizontal possible. Cela améliore la flottabilité du haut du corps.
Si en natation le roulis du corps permet à l’épaule de prendre appui plus profondément, la nage avec les palmes va à l’encontre de cette technique. Le mouvement de bras va se faire moins axé sous le corps mais légèrement à l’extérieur de cette ligne. Le mouvement de bras s’apparente à celui employé par les pratiquants de « surf » lorsqu’ils nagent pour remonter au large couché sur la planche. Ils exécutent un mouvement de bras alternatif, mais la planche ne leur permet pas d’avoir un passage de bras centré sous le corps. Cette technique a l’avantage de toujours de préserver l’équilibre du haut du corps. Pendant cette phase le bras en appui devant facilite l’horizontalité des épaules. Cette pratique sera d’autant plus aisée qu’un seul bras à la fois exécute son trajet moteur et son retour aérien.
Ce style n’est quand même pas impératif, d’autres nageurs arrivent à une très bonne efficacité avec un léger rattrapé ce qui leur permet de commencer leur traction dès que le bras dans sa récupération passe devant le niveau de la tête. Ils profitent ainsi de l’enfoncement de l’épaule pour commencer leur traction du bras. Cette traction compense en partie l’enfoncement de l’épaule. La première partie du mouvement de bras occasionne une réaction vers le haut.
Les divergences de vue sont nombreuses, l’essentiel c’est d’adapter le style selon les qualités intrinsèques du nageur.
On note chez les compétiteurs une cadence de l’ordre de 10 à 18 cycles de bras par longueur de 50 m en surface. Ce rythme est beaucoup plus lent qu’en natation (2 à 3 fois inférieur). Chez un nageur à coordination classique le nombre est de 30_à 40, pour un nageur en style de bras et battements 2 temps, on arrive à un nombre de 60 cycles par longueur de bassin. Cette constatation de cadence lente des bras explique sur le plan physiologique que la respiration avec « tuba » est beaucoup plus aisée pour la nage avec palmes.